Une nouvelle ère de flexibilité dans la planification successorale
La planification successorale est un aspect crucial de la gestion de patrimoine, visant à assurer que les actifs d’une personne soient distribués selon ses souhaits après son décès. Un élément clé de cette planification est la priorité au conjoint, un mécanisme qui protège les intérêts financiers du conjoint survivant. Avec l’abolition du plafond de retrait des fonds de revenu viager (FRV) sous juridiction québécoise[1], en vigueur dès janvier 2025, les planificateurs financiers disposeront désormais de plus de flexibilité pour optimiser la planification successorale de leurs clients
Qui sont les gens touchés par ces changements?
Les seules personnes concernées sont celles ayant un compte d’investissement enregistré, dont les sommes proviennent principalement d’un ancien fonds de pension transféré à la suite d’une cessation d’emploi.
Qu’est-ce que la priorité au conjoint ?
La priorité au conjoint est une disposition légale qui stipule qu’au décès, le conjoint survivant peut recevoir directement les fonds accumulés dans certains comptes de retraite, tels que les fonds de revenu viager (FRV) et les comptes de retraite immobilisés (CRI), sans que ces fonds ne passent par la succession. Cela signifie que les actifs sont transférés rapidement et efficacement au conjoint survivant, évitant ainsi les délais et les coûts associés à la succession.Cette règle s’applique non seulement aux comptes CRI et FRV, mais également aux détenteurs d’un régime de retraite public (par exemple le RREGOP, le RRPE, etc.) ou privé québécois. De plus, cette disposition concerne aussi bien les conjoints mariés ou unis civilement que les conjoints de fait. « Selon la loi applicable, certaines nuances existent aussi quant aux définitions de conjoints mais le concept de priorité au conjoint s’applique pratiquement partout. On notera aussi que le conjoint pourrait renoncer à sa priorité, que seul ce conjoint a le droit de renoncer à cette priorité (on ne peut pas le forcer) et qu’aucune stipulation testamentaire ou désignation de bénéficiaire ne peut être opposée à cette priorité ».[2]
Exemple de Julie et Philippe
Prenons l’exemple de Julie et Philippe, un couple vivant au Québec en union de fait depuis 10 ans. Philippe a un FRV de 50 000 $. Cette somme provient d’un ancien régime de retraite public du temps où il travaillait en enseignement. Bien que Philippe ait nommé son fils bénéficiaire dans son testament, les fonds de son FRV iront directement à Julie à son décès, sans passer par la succession.
La priorité au conjoint protège Julie, indépendamment des volontés successorales exprimées dans le testament de Philippe… Cela apporte son lot de complexité dans la planification successorale pour une famille reconstituée, par exemple!
L’abolition du plafond des FRV : plus de flexibilité
L’abolition du plafond de retrait des FRV ne concerne que les FRV sous juridiction québécoise, et n’inclut pas ceux des autres provinces, les FRV fédéraux ou les FRV acquis suite à un divorce ou une séparation. Auparavant, les retraités étaient limités par un plafond annuel de retraits, ce qui restreignait leur capacité à accéder à leurs fonds en fonction de leurs besoins financiers. Avec l’abolition de ce plafond, les retraités de 55 ans ou plus peuvent désormais retirer partiellement ou la totalité des sommes de ce régime aussi rapidement qu’ils le souhaitent. Évidemment, ce sont des sommes imposables, donc une planification fiscale s’impose.
Cette nouvelle flexibilité offre plusieurs avantages pour la planification successorale. Tout d’abord, elle permet aux retraités de retirer des montants plus importants pour couvrir des dépenses imprévues ou pour réaliser des projets spécifiques, comme des voyages ou des rénovations résidentielles. Elle permet également de retirer des sommes du FRV pour les réinvestir dans un autre véhicule de placement, tel le CELI par exemple. Par conséquent, les sommes retirées du FRV de son vivant ne sont plus soumises à la règle de priorité au conjoint.
Supposons que Philippe souhaite que son fils, né d’une union antérieure, hérite de ses actifs au décès, plutôt que de sa conjointe Julie. Suite à l’abolition du plafond de retrait des FRV, Philippe peut choisir de retirer des montants plus importants de son FRV avant de retirer de son FERR. Cela permet de réduire la somme soumise à la priorité au conjoint au décès. En conservant les actifs restants dans le FERR plus longtemps, il augmente les chances que son fils hérite de ses actifs.
Et si Philippe a des problèmes financiers et souhaite protéger ses actifs contre les créanciers au décès, il peut être avantageux de conserver la priorité au conjoint sur son FRV. En retirant d’abord du FERR, il peut prolonger la durée de protection des sommes dans le FRV. Cette stratégie permet de s’assurer que les fonds sont payés directement à Julie sans passer par la succession, offrant ainsi une protection contre les créanciers au décès.
En conclusion, l’abolition du plafond des FRV offre une plus grande flexibilité et de nouvelles opportunités pour optimiser la planification successorale et la protection des actifs financiers. Le planificateur financier ou le conseiller devra prendre en compte ces différents changements dans la planification de la retraite et revoir avec ses clients la séquence des décaissements afin d’offrir des solutions adaptées à leurs objectifs financiers et successoraux.
Lisez la chronique de janvier 2025 d’Eric en cliquant ci-bas
[1] Source : rrq.gouv.qc.ca/modifications-frv-2025
[2] Source : Finance-investissement.com/la-priorite-du-conjoint-sur-le-regime-de-retraite-au-deces