Suivez la foule, ne vous y opposez pas
(Règle #9 d’Eric)
Pour estimer la vitesse de la lumière… il suffit de mettre au four à micro-onde un morceau de chocolat pendant quelques secondes. En ayant préalablement retiré le plateau tournant, nous observons que le chocolat ne fond pas uniformément et qu’une distance régulière sépare les différents points les plus chauds de notre aliment. En multipliant par 2 cette distance, nous obtenons la longueur d’onde. Notons ensuite la fréquence indiquée sur la plaque signalétique du four (régulièrement 2.45GHz). Nous estimons la vitesse de la lumière en m/s (mètres franchis par seconde) en multipliant la longueur d’onde (en m) par la fréquence (en Hertz ou 1/s). Vous l’aurez constaté, la science m’a toujours intéressé. Les marchés financiers aussi. Mais ce qui me fascine encore plus, c’est que beaucoup d’experts tentent d’appliquer en finance une démarche scientifique en posant des hypothèses souvent irréalistes. La vitesse de la lumière était la même hier que ce qu’elle est aujourd’hui. Mais une bonne vieille recette pour réaliser des profits sur les marchés financiers hier ne va pas nécessairement fonctionner le jour suivant. L’innovation financière provoque des changements qui ne peuvent être ignorés.
La popularité grandissante des fonds négociés en bourse (FNB ou ETF en anglais) est un exemple à souligner de ces bouleversements. Beaucoup de FNB se fixent pour objectif de reproduire le plus fidèlement possible le rendement d’un indice de référence (ex : le S&P500). Auparavant, pour minimiser les coûts de transaction, un investisseur n’achetait bien souvent que 5 à 10 titres. Maintenant, lorsqu’un investisseur achète ou vend un FNB sur le S&P500, il exécute en quelque sorte un ordre de transaction en même temps pour la grande majorité des 500 titres qui composent cet indice. Plutôt que d’influencer le cours de seulement 5 à 10 actions, l’investisseur fait subir simultanément une légère pression haussière ou baissière sur tous les titres sous-jacents.
L’impact sur les marchés de l’utilisation grandissante des FNB pourrait être étonnant. Considérant le fait que le marché canadien des FNB a plus que doublé entre le début de l’année 2009 et aujourd’hui, et qu’une croissance phénoménale de ces marchés est également observable partout dans le monde, l’utilisation des FNB pourrait expliquer en partie pourquoi certains gestionnaires de portefeuille ont aujourd’hui de la difficulté à produire des rendements comparables ou supérieurs à ceux du marché. Selon J.P. Morgan, la corrélation réelle des actions du S&P500 dépassait récemment le seuil des 60%. En d’autres mots, la fluctuation du prix des autres actions influence davantage le titre boursier d’une compagnie que ses propres fondamentaux. Ainsi, imaginez la frustration de certains gestionnaires dont la recette se limitait à identifier des entreprises dont les fondamentaux sont solides. Toujours selon les estimés de J.P. Morgan, environ 60% du volume de négociation des actions est attribuable aujourd’hui aux contrats à terme sur indice boursier et aux FNB. Certains titres peuvent paraître attrayants, mais si de nombreux intervenants sur le marché préfèrent les ignorer et optent pour une répartition neutre en comparaison d’un indice, l’appréciation de ces titres n’excède pas celle de l’indice et la recette est moins utile dans l’immédiat.
Une part importante des portefeuilles privés Stratège est présentement investie dans des FNB. Il ne s’agit pas d’une question d’esthétique. Ni d’un engagement inconditionnel à long terme. Ils sont dans nos portefeuilles puisqu’il s’agit d’outils efficaces et utiles aujourd’hui. Y seront-ils encore demain? S’il suffisait de faire fondre du chocolat pour le savoir, je répondrais volontiers. Mais en finance, rien n’est statique.
Conseiller en placement
Gestionnaire de portefeuille