Éditoriaux  

Pas de hausse de taux par la FED. Bonne nouvelle! Les nouvelles sont mauvaises!?!

Il est 6h00 du matin et je prends connaissance des statistiques économiques publiées à l’étranger durant la nuit. Les nouvelles sont mauvaises. La croissance économique mondiale n’est pas aussi vigoureuse que ce qui était escompté. À la radio, en route vers le travail, je distingue le ton inquiet des invités de l’émission Squawk Box du réseau CNBC. La journée s’annonce volatile. À 9h30, les marchés nord-américains ouvrent en baisse. Puis, quelques instants plus tard, tout tourne au vert. Économistes et chroniqueurs financiers s’entendent pour dire : « avec de telles statistiques, la Réserve Fédérale Américaine (FED) ne montra certainement pas ses taux au cours des prochains jours. » Voilà enfin une bonne nouvelle qui propulse les marchés à la hausse!

Les investisseurs cherchent ces temps-ci des mauvaises nouvelles dans l’espoir que celles-ci retardent les hausses de taux par les banques centrales. Le rôle de ces dernières est de garder les taux bas lorsque l’économie tourne au ralenti. En temps normal, si les prévisionnistes anticipent que le prochain mouvement de la FED sera une hausse de taux et non une baisse, les investisseurs peuvent en déduire que l’économie va bien, ce qui devrait être de bonne augure pour la bourse. Paradoxalement, au cours des 6 premiers mois de l’année, plus il était question de hausses éventuelles de taux, moins la bourse montait. C’est comme si les participants sur les marchés boursiers auraient préféré entendre que l’économie ne va pas bien pour que les taux des banques centrales demeurent bas. C’est un peu tordu vous ne trouvez pas? Pourquoi veut-on des mauvaises nouvelles qui inciteront la FED à ne pas monter les taux? Pour ainsi dans un deuxième temps avoir des chances que cette politique de bas taux de la FED ait amélioré la croissance économique et apporte subséquemment de bonnes nouvelles? On ne pourrait pas simplement se contenter d’apprécier qu’elles soient déjà bonnes, et accepter que pour cette raison, les taux peuvent monter?

Mais puisque la partie se joue de cette façon, pourquoi tenter de la jouer autrement? Sauf à quelques courtes périodes sporadiques (souvent l’automne ou l’été), les investisseurs ont eu la vie plutôt facile depuis la fin de la crise financière de 2008. Les bonnes nouvelles sont bien reçues… et les mauvaises aussi. Heureux ceux qui, au cours des dernières années, n’ont pas liquidé leur portefeuille d’actions en entendant des mauvaises nouvelles sur l’économie. Et des mauvaises nouvelles, il y en a eu. Mes communications avec mes clients en 2010 portaient déjà sur les problèmes de la Grèce, ce qui n’a pas empêché l’indice Dow Jones des valeurs industrielles de progresser de plus de 60% depuis[i]. À l’époque, j’écrivais : « Le degré de sécurité qu’offre une obligation émise par la Grèce, pays en difficulté financière, repose sur la décision des pays de la zone euro de soutenir ou non ce pays. »[ii]. Cinq ans plus tard, la situation est toujours la même. La Grèce doit accepter d’importantes concessions pour conserver l’appui des autres pays de l’union européenne. Ces derniers doivent quant à eux gérer la crise sans créer des précédents alléchants pour les autres membres lourdement endettés dont l’Espagne, le Portugal et l’Italie. Aucune solution parfaite n’a été trouvée à ce problème et pourtant, les principales places boursières européennes sont en fortes hausses depuis le début de l’année. Jusqu’à présent en 2015, 26 banques centrales ont baissé leurs taux à travers le monde[iii]. L’économie dans ces régions est généralement moins vigoureuse qu’aux États-Unis et pourtant, les bourses de plusieurs de ces pays ont progressé plus rapidement que celles de nos voisins du sud (où des hausses de taux sont anticipées)[iv].

Bref, pour la meilleure expérience qui soit, la façon de le manger est plus importante que ce qui est mangé. Le gros bon sens nous dit que les nouvelles devraient dicter aux marchés financiers comment agir, mais il n’en est rien. Ce ne sont pas les grands titres qui importent en gestion de portefeuille, mais comment ils sont digérés par le marché. L’histoire nous enseigne qu’il existe des périodes où les statistiques positives sont bien reçues et des moments, comme récemment, où c’est le contraire. Ainsi, la réaction à la nouvelle semble plus importante que la nouvelle elle-même…

 

Eric Gaudreau, M.Sc., CFA
Conseiller en placement
Gestionnaire de portefeuille

 

[i] Source : Thomson Reuters (l’indice à 17620 contre 10788 à l’époque).
[ii] Source : http://moncoachfinancier.com/editoriaux/expression-orale-3/
[iii] Source : http://www.cbrates.com/decisions.htm
[iv] Source : Datastream

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