Un lièvre dans mon portefeuille
Tout semble cyclique. Les lièvres d’Amérique, par exemple, se multiplient et leur nombre augmente pendant 10 ans, pour ensuite chuter rapidement à leur plus bas niveau de densité. Un nouveau cycle débute alors et la régularité de ce phénomène, documenté depuis plus de 200 ans par la Compagnie de la Baie d’Hudson[i], est remarquable. Mes propos d’aujourd’hui pousseront peut-être les amateurs de six-pâtes à synchroniser à l’avenir leurs activités de pose de collets en fonction de ce cycle. Mais mon but premier, comme vous pourrez le constater, est plutôt d’illustrer sous un angle différent le lien étroit entre la nature et les mathématiques et de souligner les leçons financières qui peuvent en découler.
Voyons d’abord quelques calculs à propos de la reproduction. Vers l’an 1200, en Italie, un mathématicien surnommé Fibonacci a dérivé une séquence numérique en répondant à la question suivante : combien de lapins peuvent être obtenus en 1 an en provenance d’une paire dans un endroit clos, alors que chaque paire donne à tous les mois naissance à une nouvelle paire qui sera elle-même en mesure de procréer 2 mois plus tard? La séquence des paires de lapins obtenues est la suivante (par mois) : 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55, 89 et 144. Cette séquence, qui peut se poursuivre à l’infini, intéresse pour plusieurs raisons les scientifiques. En excluant les petits nombres, on doit noter que le ratio de n’importe quel nombre de la séquence sur celui qui le précède donne 1.618 (ex : 89/55 = 1.618)[ii]. Considérée parfaite, la proportion de 1.618 est reconnue depuis De Vinci comme étant un « nombre d’or ». Ce ratio apparaît dans d’innombrables œuvres d’arts (pensons aux proportions hauteur/largeur du visage de la célèbre Mona Lisa), phénomènes naturels (écailles d’une pomme de pin, toiles d’araignées, vagues d’un océan, etc.) et constructions humaines (dont certaines pyramides égyptiennes). Il est universel et Ralph Nelson Elliott, auteur de la théorie des vagues d’Elliott, émet l’hypothèse qu’il est présent sur les marchés boursiers[iii].
Le marché boursier ne monte jamais en ligne droite sur une période prolongée. Selon la théorie d’Elliott, un cycle de vagues est constitué d’une impulsion (5 premières sous-vagues de la figure 1) et d’une contraction (sous-vagues A à C). Les enthousiastes de cette théorie utilisent le ratio d’or (1.618) pour projeter les niveaux de prix des actions ainsi que l’horizon prévu pour l’atteinte de ces cibles.
Une mise en garde s’impose. Il est souvent impossible de reconnaître les vagues d’Elliott au moment où elles se forment, ce qui les rend difficiles à utiliser à des fins de négociation. Elles semblent cependant parfois si claires sur le graphique d’une action ou d’un indice en particulier qu’une large base d’investisseurs tentent de les identifier alors qu’elles se forment, ce qui pourrait, selon certains, influencer la dynamique offre/demande et l’évolution des cours boursiers.
En conclusion, revenons-en à nos lièvres. L’interaction entre la prédation (celle du lynx) et la végétation (nourriture du lièvre) expliquerait en bonne partie les cycles démographiques du lièvre[iv]. Quand les lièvres ont épuisé les ressources que la nature avait à leur offrir, leur population diminue (et éventuellement celles de leurs prédateurs aussi). La végétation tend alors à se régénérer, c’est le début d’un nouveau cycle. Une question d’offre et de demande, comme à la bourse.
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Références et autres notes :
[i] La compagnie de la Baie d’Hudson, qui centralisait autrefois les fourrures rapportées par les trappeurs indépendants, tenait des registres pour quantifier les fourrures récupérées. Source : http://premiumorange.com/renard/travaux/TPE/S/LynxLievre/accueil.htm.
[ii] Kirkpatrick, Charles D. et Dahlquist, J., Technical Analysis: the Complete Resource for Financial Market Technicians. Upper Saddle River, NJ: FT, 2011.
[iii] Sources : http://fr.wikipedia.org/wiki/Nombre_d’or et http://library.thinkquest.org/trio/TTQ05063/phibeauty3.htm.
[iv] Krebs, C.J., Boonstra, R., Boutin, S. et Sinclair, A.R.E. 2001. What drives the 10-year cycle of snowshoe hares? BioScience 51:25-35.