Le président de la république populaire de Chine, Xi Jinping, lançait récemment cet avertissement aux américains : « Dans l’ouest, vous avez cette notion que si quelqu’un vous frappe sur la joue gauche, vous lui tendez votre autre joue. Dans notre culture, on se défend en frappant* ». Ce message fort de la Chine est une riposte aux tarifs douaniers imposés par l’administration Trump sur des biens en provenance de l’extérieur des États-Unis[i]. Comme nous allons le voir aujourd’hui, la Chine n’est pas la seule à réagir à cet élan de protectionnisme américain.
Le 22 juin, l’Union européenne a augmenté à 31% les tarifs douaniers sur les motos en provenance des États-Unis (comparativement à 6% auparavant). La compagnie américaine Harley-Davidson estime que cette hausse représente un coût moyen additionnel de 2,200$ par moto exportée des États-Unis vers l’Union européenne. Harley-Davidson n’a pas l’intention d’augmenter le prix de détail suggéré par le manufacturier et souhaite plutôt déménager une partie de sa production hors des États-Unis. Une situation plutôt ironique alors que l’objectif premier des tarifs douaniers de Trump est d’augmenter la production manufacturière en sol américain!
Il est difficile de prévoir qui profitera en fin de compte des tarifs douaniers. En théorie, certains groupes devraient clairement gagner. En pratique, sur les marchés, plusieurs forces tendent à équilibrer les choses. Les variations des devises en sont un bon exemple. Au cours des dernières semaines, les monnaies des pays sensibles au commerce (ex : Canada) se sont généralement dépréciées par rapport au dollar américain (le « billet vert »). Ces variations contrebalancent en partie (ou parfois en totalité) les nouveaux tarifs douaniers, ce qui contribue au maintien des achats de biens étrangers par les américains. Le renminbi (devise chinoise) s’est récemment transigé à son plus bas niveau des 6 derniers mois (par rapport au billet vert). Beijing ne voit possiblement aucun avantage à intervenir pour soutenir sa devise. Une monnaie plus faible amoindrit en effet l’impact des tarifs douaniers imposés par les États-Unis.
Dans les années 30, les politiques du président Hoover ont mené à une augmentation de 20% des tarifs sur plus de 20,000 denrées et produits[ii]. Selon une étude du Fonds monétaire international (FMI)[iii], les transactions globales ont diminué de 25% à cette époque (près de la moitié de cette baisse serait attribuable aux tarifs douaniers). Les exportations américaines ont elles aussi été affectées. Les différents pays impliqués ont par la suite retiré leurs mesures protectionnistes pour rétablir le bon fonctionnement des échanges commerciaux. L’élan de protectionnisme des années 30 s’inscrivait dans un contexte où le taux de chômage était largement supérieur à 10% préalablement. La situation de l’emploi aujourd’hui est nettement meilleure. Une trop forte dose de protectionnisme risquerait de faire hausser fortement les salaires (pénurie de main d’œuvre qualifiée). Ce qui augmenterait le coût de fabrication d’un bien « Made in America », poussant à la hausse les prix à la consommation. Serait-ce suffisant alors pour faire marche arrière au niveau des tarifs douaniers?
Il se peut que la Maison-Blanche continue d’ignorer les arguments contre le protectionnisme pendant encore longtemps. L’incertitude règne entretemps, mais ne soyons pas alarmistes dans nos prévisions des impacts de ce conflit commercial. On reproche au protectionnisme de nuire à nos emplois (nous en avons entendu parler lors du récent Sommet du G7). En marge du Sommet des Amériques de 2001, souvenons-nous que les mêmes craintes pour les travailleurs étaient exprimées face au phénomène quasi-inverse du libre-échange (mondialisation). Ce qui nous rappelle qu’il est difficile de connaître à l’avance les effets précis de ces grands phénomènes. Dans cette guerre commerciale, si d’autres compagnies ripostent comme Harley–Davidson l’a fait récemment, des emplois à l’extérieur des États-Unis seront maintenus et d’autres seront même créés.
Eric Gaudreau, M.Sc., CFA
Conseiller en placement
Gestionnaire de portefeuille
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* Traduction libre de “In our culture, we punch back” – allocution du président Xi le 21 juin 2018 devant le Global CEO Council.
[i] Source : https://www.cnbc.com/2018/06/25/xi-reportedly-answers-trumps-tariffs-we-punch-back.html
[ii] Source: https://www.focus-economics.com/blog/effects-of-trade-protectionism-on-economy
[iii] Christian Henn and Brad McDonald, Avoiding Protectionism, Fonds Monétaire International (FMI), march 2010 (disponible au http://www.imf.org/external/pubs/ft/fandd/2010/03/henn.htm).