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Éditorial

Tous pour un… chacun pour soi

Si ça va bien, tu es riche… Si ça va
mal, le gouvernement te sauve!

Mon grand-père pouvait marcher des miles à pied pour rembourser la pièce de 30 cennes qu’il avait empruntée à une connaissance pour dépanner. Tant que cette dette n’était pas réglée, il n’avait pas la conscience tranquille. Telles sont nos origines.

Un jour, un marchand consciencieux voulant déculpabiliser ses clients a subtilement monté ses prix pour être dorénavant en mesure d’offrir de ne rien payer avant 6 mois, sans frais, ni intérêt. Le client apprécie se cacher à lui-même qu’il s’agit d’une dette en se disant que seuls les contrats où l’on verse de l’intérêt sont de véritables emprunts. C’est ainsi qu’est née l’économie financière. Le métier d’ingénieur financier ne tarde pas à faire son apparition. Les bénéfices de plusieurs commerces proviennent par la suite principalement de leur division de cartes de crédit plutôt que des marges de profit sur les produits vendus. La création de richesse passe par l’innovation financière plutôt que par la production de biens. Des emprunts pour achats de voitures ou de maisons sont mis en commun (« pool ») et l’argent nécessaire à ces créances provient d’investisseurs qui n’ont aucune façon de retracer à qui ils ont véritablement prêté leur argent. Puis arrive la crise financière de 2008.

Le gouvernement consciencieux décide alors d’aider l’entreprise GM, pour n’en nommer qu’une, dont la division financière éprouve de sérieuses difficultés. Il veut conserver un certain nombre d’emplois car un travailleur consomme généralement beaucoup plus qu’un chômeur. Mais la crise est d’une rare ampleur et le gouvernement finit par enregistrer d’importants déficits. Les banques centrales baissent alors les taux d’intérêt pour encourager les entreprises et les particuliers à emprunter davantage pour dépenser. Mais la stratégie ne fonctionne pas. Les entreprises ont appris des scandales financiers du début des années 2000 (Enron, etc.) et ont eu aussi très peur pour leur survie en 2008. Elles préfèrent donc maintenir des niveaux d’endettement faibles et des provisions élevées en liquidités. Une banque centrale consciencieuse décide donc « d’imprimer » de l’argent pour acheter des obligations du gouvernement (« détente quantitative ») dans le but de soutenir la croissance économique. En gros, elle propose un prix si élevé pour les obligations gouvernementales qu’elle souhaite que les investisseurs soient intéressés à s’en départir pour acheter d’autres placements plus risqués comme des actions ou, encore mieux, pour dépenser.

Tous pour un… Le commerçant crée des structures financières favorisant la surconsommation. Le gouvernement sauve le commerçant en difficulté pour que les travailleurs conservent leurs emplois… et leur niveau de consommation. Et les banques centrales prêtent de l’argent aux gouvernements (et sauvent pratiquement ceux-ci en achetant leurs titres de dette) pour maintenir les taux bas pour favoriser… la consommation. Y aura-t-il toujours un super-héro consciencieux (soucieux du bien être du consommateur) pour sauver celui qui sauve celui qui sauve? Le niveau d’emprunt de certains gouvernements est si élevé que l’efficacité d’éventuelles interventions des banques centrales est mise en doute. Le quatrième mousquetaire pourrait être la Chine, qui prête de l’argent à certains pays en difficulté comme l’Espagne et le Portugal. Dans quel but? Tenter d’éviter que la planète tombe en dépression et qu’il y ait alors diminution de… la consommation de bien produits en Chine. Tous pour un… chacun pour soi.

Eric Gaudreau, M.Sc., CFA
Conseiller en placement
Gestionnaire de portefeuille
Groupe Gestionnaires de portefeuille FBN
Tél.: 1 800 463-2635
Courriel: eric.gaudreau@bnc.ca